Venu de la performance ultra radicale, l’artiste suisse Fabrice Gygi, né en 1965, a maintenant disparu physiquement de ces terrains d’occupations, même si pour lui dès l’origine, dans le fait d’exposer, l’essentiel réside dans la présence d’un individu. Si l’on considère ses premières œuvres, comme Cabane, 1986, la tente n’est autre que le moyen de créer en même temps un vêtement et une architecture, un espace propre à lui tout seul, un abri tout simplement. Depuis 98, il construit ou fait construire industriellement des structures à base de bâches, d’acier, de bois et de tubulaires qui sont les principaux composants de structures qui semblent dévolues à des réunions, des raves ou encore des concentrations sportives ou religieuses. En rapportant tous ces éléments dit d’extérieur à l’intérieur des salles d’exposition, l’artiste propose une nouvelle lecture de la comparution. Pourtant si le terme de rassemblement semble approprié, il y a dans les œuvres de Fabrice Gygi quelque chose de l’ordre du non-spectacle, de la non-animation. Cela est certainement dû à la propreté de ses installations. Mais cette propreté n’est pas innocente, elle rappelle une violence contenue, une forme de répression ou de menace, un sentiment qu’une donnée s’est inscrite à vie. Les tatouages corporels, Viens dans ma peau 1997, comme autant de sévices ineffaçables, montrent que le corps, plus que l’âme, n’oublie rien. Il est clair que l’essentiel du travail de Fabrice Gygi est défini par le corps ; sa présence par le biais du spectateur, son absence aussi. Les œuvres d’une grande rigueur semblent toujours prêtes pour un événement précis et à repartir vers des destinées inconnues. Si elles semblent appeler la foule, l’agitation, l’aspect démontable accentue leur côté nomade.
Fabrice Gygi est un rebelle sorti très tôt des rangs de la société avec laquelle, dit-il, il se sent fondamentalement en désaccord. Dans ses œuvres pourtant, il ne semble pas chercher à exprimer ce désaccord de manière agressive, mais simplement à manifester l’ordre des choses. Il étudie le rapport complexe qu’une œuvre d’art entretient avec la société et tente d’ouvrir un débat. En empruntant au vocabulaire de la construction provisoire, Fabrice Gygi désacralise, déhiérarchise l’œuvre d’art et lui confère un statut de réflexion et de sens plutôt que le statut habituel d’objet de contemplation.

Au-delà de sa nationalité et des clichés qui caractérisent la Suisse : l’ordre, le moralisme, l’ONU, le secret… C’est surtout dans la " remise en jeu du rapport triangulaire défini dans les années 60, faisant de l’objet un emblème, intégrant le lieu à la société et renvoyant le spectateur à sa condition de citoyen, qu’il faut voir l’artiste comme un acteur social à part entière ".  

Pour cette nouvelle étape à la galerie Chantal Crousel, Fabrice Gygi présente la Tente bar, 1997, Poubelles-tonneaux, des éléments de la Vidéothèque mobile, 1998, la Scène, 2000 crée en collaboration avec Sydney Stucki, le Distributeur de bougies 2000 et réalise tout spécialement une nouvelle œuvre : Airbag Generation (Yellow)*, 2001. *remerciements, X-Treme

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