Dépliages est le terme choisi par Gabriel Orozco pour nommer sa nouvelle série de travaux sur papiers présentée pour la première fois à la Galerie Chantal Crousel. Pour commencer, une goutte de peinture à l’huile est déposée directement au centre d’un carré de papier. Ce petit cumulus de peinture est le point de départ d’une succession de pliages de la feuille qui génèrent des courants internes par des pressions exercées à l’aide des doigts ou d’une spatule. Fonctionnant à la manière d’une enveloppe, le papier plié permet à la peinture de circuler sans s’épancher à l’extérieur, les pressions canalisant le mouvement du fluide au travers des surfaces planes. L’étape finale du dépliage permet de révéler l'imprédictible résultat. La texture de ces peintures est une sorte de topographie de l’intensité du poids et de la quantité de couleur déposée dans chaque zone de la surface du papier, créant ce qu’on pourrait appeler une carte, une empreinte corporelle, ou encore une image asymétrique à la Rorschach faisant office de relevé psychique déployant de multiples possibilités d’association. Le titre de chaque pièce consiste simplement en l’enregistrement exact des lieux, dates et heures de réalisation de l’œuvre, désignant par là les circonstances fugaces de l’apparition de l’image. Orozco décrit ainsi ce processus : « Lorsque la feuille est pliée comme une enveloppe, il s’agit d’un objet, mais lorsqu’elle est dépliée, elle devient une image. Il y a comme un mouvement circulaire entre un objet et une image cachée dans les plis de la matière.»  

Les terres cuites également présentées sont les nouveaux résultats d’une série en cours initiée il y a trois ans et qui se développe parallèlement aux autres projets d’Orozco. Torso (2007) est réalisé à partir d’argile malaxée directement au sol et dont la masse correspond à celle de l’artiste. La force de gravité et le poids du corps même de l’artiste durant le travail de la terre génère cette forme anthropomorphique, cuite ensuite dans de la cendre, lui ajoutant une teinte finale d’un noir profond. Le même procédé de cuisson est utilisé dans la réalisation d’un bassin (Pelvis, 2007) que les mains de l’artiste roulent et impriment sur une table, laissant la masse d’argile dans une forme énigmatique et sensuelle.

L’empreinte de visage ou encore Corner Face a été exécutée pour la première fois en 1993 à Paris, dans l’appartement de Chantal Crousel, où l’artiste résidait lors de la réalisation de la D.S. Jamais encore présentée au public, cette œuvre, résultant d’un geste de l’artiste dans le coin d’un mur de la galerie peut, tout comme la D.S., être associée aux recherches continues d’Orozco autour de la symétrie et de la turbulence, des contorsions et de la chute du corps dans un espace tout autant que des rapports du corps à la machine ou au paysage urbain. Les traces du fluide déposé par le corps en mouvement définissent des espaces comme autant de possibles paysages à la surface desquels l’auteur n’en finit jamais de disparaître.  

La série des Samurai Tree, enfin, est une recherche géométrique qui accompagne de manière continue le travail d’Orozco depuis le début des années 1990. Une des présentations qu’il en propose aujourd’hui comporte un film d’animation montrant toutes les variantes possibles du dessin du Samurai Tree en utilisant les combinatoires de tailles et de coloris que l’artiste avait fixées comme les règles d’un jeu décrivant géométriquement sa pratique des objets et du quotidien. L’utilisation de la tempera sur des panneaux de bois dorés à la feuille ajoute une densité matérielle à ces recherches abstraites que l’artiste mène depuis des années avec des résultats toujours variés et surprenants.

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