Le principe d’entropie implique que des systèmes proches soient inévitablement exposés à un processus de dissolution et de neutralisation avec le temps. (En)Tropics complexifie les implications constitutives de ce principe. Pas tant dans le fait de protéger les structures des effets du temps, mais plutôt dans sa tentative de parvenir à leur destruction. Ce concept suggère non pas un état inévitable d’inertie ou de vacuité, mais l’étrange potentiel de la ruine à être détournée de son but ou de sa forme initiaux. Alors que le terme « entropie » suggère la certitude morbide d’une fin statique, (En)Tropics tient compte d’une possible vie hybride, monstrueuse, dans le futur. (En)Tropics complète et modifie la terminologie d’entropie en soulignant son affinité étymologique avec deux autres mots –tropical et trope. Ils dérivent de la racine grecque tropos(« Un Virage »), et lorsqu’ils sont envisagés comme une constellation, ils ouvrent sur un nouveau terrain poétique et politique.

Growth, 2004/2006, est une sculpture (En)Tropique qui interroge les relations entre l’art et la vie « elle-même ». Les concepts romantiques en sculpture confèrent à l’objet la valeur allégorique de l’exposé téléologique et de l’auto-formation spontanée d’un organisme vivant, incarné dans le biomorphisme de Jean Arp. Faisant écho au titre d’une oeuvre de Arp datant de 1938, Growth transgresse ce principe de développement organique en arborant le procédé botaniste de la greffe selon lequel des plantes d’origines hétérogènes sont coupées pour être ensuite assemblées en un composite contre nature. Growth consiste en des greffes de plantes tropicales et sub-tropicales du monde entier, et dont la violence de sa genèse a pris la forme des « bandages » sur ses tiges. Plutôt qu’une fusion harmonieuse évoluant vers un dessein prédéterminé, Growth croît telle une monstruosité dont la viabilité est incertaine.

Une sculpture plus ancienne, Puerto Rican Light, 2003, soulève des questions similaires concernant la vie et la mort d’une oeuvre d’art, de même que la relation indécise entre lumière « naturelle » et lumière « artificielle ». Cette pièce reprend le titre d’une sculpture de Dan Flavin qui cherche à évoquer les tonalités roses et oranges d’un coucher de soleil tropical idéalisé. Autant un hommage qu’une critique de Flavin, cette pièce est le résultat de la charge d’une batterie photovoltaïque grâce à la lumière du soleil portoricain. La batterie est alors utilisée pour alimenter la sculpture « originale », conférant ainsi aux deux

un statut parasitaire. Lorsque l’énergie solaire est complètement consommée, la pièce est retirée de l’exposition. (Note : cette pièce, telle qu’elle est décrite plus haut, fut exposée à deux reprises, d’abord à l’Americas Society puis à la Tate Modern. La première intention des artistes fut de l’exposer ici comme telle, mais en raison des difficultés pour obtenir le prêt d’une oeuvre de Dan Flavin, Puerto Rican Light de Allora & Calzadilla restera dans l’espace de la réserve, complètement rechargée avec la lumière de Puerto Rico, dans l’attente d’une opportunité de se connecter à nouveau à une sculpture de Dan Flavin).

Ruin, 2006, se compose de chutes de plaques métalliques, collectées dans diverses industries de métal, et liées entre elles par des charnières. Les espaces négatifs manquant sur ces pièces délaissées existent en tant qu’objets fonctionnels dans le monde tant domestique qu’industriel ou militaire. La constitution de cette sculpture permet à la construction d’être re-formée et re-configurée à l’infini. Ce travail sur la ruine, dans le sens d’un remaniement permanent -pliage et dépliage- produit non pas une transformation de la ruine, ni un retour à un état préalable de non-ruine, mais amplifie plutôt sa condition propre.

Dans la vidéo  Sweat Glands, Sweat Lands, 2006, un cochon est rôti sur un feu de bois en plein air, la broche attachée à la roue arrière d’une voiture. Quand la voiture accélère, le cochon se met à tourner à différentes vitesses, tandis que la voix de Residente Calle 13, un jeune chanteur de reggaeton portoricain, s’adresse aux spectateurs en espagnol. Il énumère des exemples d’organisations sociales non-humaines, telles celles des chauves-souris, des termites ou des fourmis, comme des alternatives possibles d’un mode de vie en commun et décrit un possible chemin à travers une expérience contemporaine. En partie réel, en partie fictionnel, surchauffé, surpeuplé, restreint et asphyxié, le monde qu’il décrit évoque un état antagoniste entre ordre et désordre, ferveur et excès, civilité et barbarie, à l’âge de la globalisation armée.


 

Jennifer Allora and Guillermo Calzadilla sont présents à la Whitney Biennial 2006, « Day for Night », avec la vidéo Sweat Glands, Sweat Lands, 2006

The S.M.A.K.,Gent, présente actuellement les vidéos Returning a Sound , 2004 et Amphibious (Login- Logout), 2005, jusqu’au 18 juin

Ils participent au programme « Tropico-Végétal »à partir du 8 juin, au Palais de Tokyo, avec une exposition personnelle intitulée « land Mark »

Ils sont nominés pour le prix Hugo Boss 2006

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