Sans hiérarchie d’influences ou de genres, les œuvres-instruments de Tarek Atoui tissent des réseaux et se construisent par associations. Elles évoluent sans cesse, apprenant d’elles-mêmes, de l’espace qui les accueille ou de la main qui les joue. À l’œuvre comme entité immuable, l’artiste oppose les facultés d’improvisation et d’arrangement propres à la musique.  Ses œuvres se réinventent, s’assemblent et se répondent comme autant de cellules ouvertes à la perturbation et capable d’intégrer l’autre – le musicien, le visiteur, l’espace etc. – dans leur structure.

C’est d’ailleurs la particularité de l’exposition The Drift. Tout au long de sa pratique, Tarek Atoui a oscillé entre création d’instruments et création de dispositifs d’écoute. Des projets comme WITHIN ou The Reverse Collection imaginent de nouvelles manières de générer un son. D’autres, comme les Whisperers, explorent la façon dont un son déjà produit peut se donner à entendre selon qu’il traverse le marbre, le métal ou l’eau. À l’IAC, l’ensemble se métamorphose en corps vivant dont les organes, reliés entre eux par des systèmes informatiques, travaillent en synergie. Il n’est plus question de projets, plus questions de recherches distinctes : la création du son et son écoute sont indissociables.

Pour le visiteur, il ne s’agit pas de contemplation. Il faut errer, se mouvoir, s’incliner, changer de hauteur et de perspectives, en somme, traverser l’espace d’exposition comme on traverse un paysage. L’écoute est sollicitée comme un engagement, une incursion personnelle qui débute par l’écoute de soi, de sa curiosité et de ses intuitions. C’est l’oreille qui guide les pas ou peut-être la vue d’une pierre qui s’active ou d’une eau qui s’écoule. 
Ce n’est pas un hasard si dans The Drift la pédagogie s’installe dans l’espace d’exposition. L’artiste crée une conversation autant qu’il crée une partition. En invitant musiciens et publics à activer et à s’approprier certains de ses instruments, il propose un espace d’échanges où les singularités de chacun participent à la création d’une harmonie commune.  La manière de jouer ou d’apprécier la musique ne repose plus sur une forme de savoir mais sur une relation introspective aux sons et aux instruments. Il faut s’immerger dans ce paysage sonore, se laisser transporter par le drift. En anglais, il désigne la dérive, l’exploration hasardeuse, presque subie, poussée par une force immatérielle. C’est de ce mouvement que l’exposition tient son nom : l’abandon d’une forme de contrôle au profit d’une expérience sensible qui nous emporte.

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