Lauréat du prix Maratier 2015, Moshe Ninio, né en 1953 à Tel-Aviv, occupe une place singulière au sein du paysage artistique contemporain. Il produit peu de pièces qui font l’objet d’une longue maturation ; son travail vise à faire évoluer le statut de l’image vers un ailleurs, polémique ou spirituel.

Le mahJ présente deux cycles d’œuvres récentes : Glass(es) (2010-2011), Morgen et son extension, Décor: Morgen_Appendix (2010-2016). Moshe Ninio s’y livre à partir d’images existantes à une exploration « médico-légale » qui fait vaciller le statut de « vestige » historique – ici d’un objet muséal, d’une archive audiovisuelle, datant l’un et l’autre des années 1960 – et en réactive le sens.
Glass(es) est une œuvre conçue à partir de photographies prises depuis l’arrière de la cage de verre dans laquelle fut protégé Adolf Eichmann pendant son procès à Jérusalem en 1961. C’est une séquence ordonnée, composée de trois pièces qui sont les trois étapes d’un processus de passage de photographie à image au cours duquel des manipulations simples – duplication, superposition – font apparaître, au centre de l’image, une ombre inquiétante.

Morgen, vidéo sur double écran, a été conçu pour une exposition intitulée « Shibboleth », à la galerie Dvir de Tel-Aviv, en référence au poème éponyme de Paul Celan et à un épisode biblique (Juges 12 :4-6), où le défaut de prononciation d’un mot de passe signe l’arrêt de mort des membres de la tribu d’Ephraïm.
En 1965, Esther Ofarim est la première chanteuse israélienne à se produire à la télévision allemande – ce qui fut alors considéré en Israël comme une trahison : elle chante un tube, Morgen ist alles vorüber [Demain tout est fini], une chanson d’amour apprise phonétiquement.

Moshe Ninio pratique sur la vidéo originale de subtiles interventions qui en renforcent la dramaturgie. La plus « chirurgicale » d’entre elles consistant à retravailler numériquement le mouvement original de la caméra et à faire le point sur la fraction de seconde où un « lapsus » – une torsion des lèvres de la chanteuse, qui peine à prononcer le mot muss [doit] – devient le climax de sa prestation.
Décor: Morgen_Appendix, ancrage physique de l’œuvre vidéo, est le
« remake » d’un détail des « coulisses » du plateau – un décor cinético-optique – devant lesquelles se produit Esther Ofarim.

L’exposition est accompagnée d’un livre auquel ont contribué Bernard Blistène, directeur du musée national d’Art moderne, Tal Sterngast, historienne et critique d’art, et Gérard Wajcman, écrivain et psychanalyste.

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