Un canoë « papillon » originaire du lac de Pátzcuaro - à Michoacán, à l’ouest du Mexique - est suspendu au plafond de la galerie à une hauteur représentant le niveau de pénurie d’eau, en termes d’abaissement, indexé sur les 49 dernières années.

Trois monticules de débris entourent le canoë comme des socles sculpturaux. Sur eux, trois musiciens Huasteco chantent une mélodie traditionnelle en essayant d’atteindre leurs sommets et la plus longue note en voix de fausset. Les paroles de la chanson racontent l’histoire d’une petite salamandre axolotl sur le point d’être mangée par un poisson blanc, deux espèces endémiques menacées par la baisse des eaux du lac.
Les objets constituant ces trois tas proviennent de la grande installation montrée au Carré d’Art de Nîmes lors de la dernière exposition de l’artiste (14 octobre 2016 - 19 février 2017). Sélectionnés et recomposés, une nouvelle vie leur est ici proposée.   

Au mur, sont fixées par des couteaux deux reproductions en grand format de cartes postales vintage sur lesquelles est représentée cette traditionnelle barque.

Un fac-similé d’un billet de 50 pesos mexicains est également exposé. L’une des faces de ce billet montre le visage d’un héros national, ancien combattant de la guérilla pour la Guerre de l’Indépendance, l’autre face présente l’image d’un canoë, identique à celui suspendu dans la galerie, et d’un pêcheur naviguant paisiblement sur l’eau du lac.
 
Pátzcuaro est le troisième plus grand lac du Mexique et considéré comme l’un des plus beaux. Le niveau d’eau de ce lac a baissé de près de la moitié de ce qu’il possédait il y a plus d’une décennie.
L’abaissement dramatique et rapide des eaux engendre une lente destruction des espèces endémiques locales, en plus de la disparition des traditions symboliques liées à la culture de la région (danse, musique, nourriture, rituels, récits, échanges et dynamiques de collaboration communautaire). En raison de la surexploitation et de la dégradation de l’environnement, de nombreux poissons sont sur le point de disparaître. Sans l’intervention du gouvernement et une restriction des récoltes, la pêche ne restera pas viable sur ce lac.

Imaginez la même situation - au cœur des ténèbres - pour le Congo, la Loire, le Rhin, l’Amazonie, le Citarum, le Yangtse, le Mississipi ou le fleuve jaune, les chutes Victoria, l’Onondaga, le lac Karachaï, le lac Balaton, l’Orre, le lac Okeechobee, le lac Biwa, le Baïkal, le Songkhla, le Bhojpal, le Tchad, le Tai, le lac de Chapala, le lac Léman ou les Grands Lacs, sans parler des eaux salées. La destruction de soi exige l’autodéfense, pas seulement la conscience de soi.

La nouvelle exposition d’Abraham Cruzvillegas à la galerie Chantal Crousel est la première partie d’une trilogie d’expositions. Les deuxième et troisième prendront place respectivement à la Fondation d’entreprise Hermès, à Tokyo (avril 2017) et au Museum Boijmans Van Beuningen à Rotterdam (october 2017).

 

 

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