Si l’appellation d’art pauvre (Arte Povera) désigne un mouvement artistique italien des années 60, elle peut aussi être considérée comme une attitude dont la présente exposition cherche la pertinence à une époque de surproduction des objets et des images, où la valeur marchande de l’art est souvent soulignée.
Tous sculpteurs, les huit artistes présentés portent une attention particulière au matériau dans une démarche ouverte qui lie fortement l’œuvre tant à l’implication physique de l’artiste qu’au lieu qui l’accueille. Ces œuvres incluent les concepts d’instabilité, parfois de fragilité, et presque « d’auto-formation » tant l’œuvre semble naître organiquement à partir du matériau choisi. Dans ce cas, la pauvreté ne fait pas seulement référence aux moyens utilisés et à leur origine mais à la parfaite superposition de la forme et des moyens.
Privilégiant souvent l’improvisation, les artistes tendent à ouvrir la frontière entre objet fini et matériau et relient le travail d’exposition aux procédures d’atelier. « Rouler, rabattre, plier… » On se souvient de la liste de verbes proposée par Richard Serra en 1967-68. Ces œuvres semblent à leur tour s’intéresser aux gestes élémentaires ce qui n’exclut pas la finesse comme en témoignent les couleurs pastels chez Karla Black, l’élégance des rythmes et des formes de Gedi Sibony ou de Thea Djordjadze.
Plutôt qu’un produit terminé, l’œuvre apparaît comme un procès, rappelant certaines expériences des années 70. Ces artistes choisissent des matériaux à portée de main : le polystyrène expansé, le plâtre, les produits de maquillage, le terreau, les tickets de caisse, le polyane, les chutes de contreplaqué ou de médium, souvent des matériaux d’emballage ou des fournitures trouvées à l’atelier. Certains faits sociaux, par exemple la rencontre des fumeurs, l’esthétique « moderne » de structures métalliques, bien ancrés dans la vie contemporaine, à leur tour, peuvent devenir des matériaux au même titre que la terre ou le bois.
Réunissant des œuvres récentes des artistes et pour la plupart des réalisations conçues spécifiquement, l’exposition porte une attention particulière au dispositif spatial. Mais dans le flux de la création, l’exposition est aussi un moment d’arrêt où la sculpture est possible. Le point de départ est le matériau. La forme toujours importante est seconde par rapport au choix de la matière, d’autant qu’elle n’est pas toujours pérenne.