« Il est de toute nécessité qu’il existe un corps simple dont la nature soit de se mouvoir selon la translation circulaire, conformément à sa propre nature… En dehors des corps qui nous entourent ici-bas, il existe un autre corps, séparé d’eux, et possédant une nature d’autant plus noble qu’il est plus éloigné de ceux de notre monde. »

— Aristote, Du ciel, Livre I, paragraphe 2, 350 av. J.C.


Au commencement, il y a la terre, l’eau, le feu. Puis l’air, incolore, invisible aux sens, mélange de feu et de lumière et environnement direct de la sphère céleste qui nous abrite. Pour Aristote, l’éther est un corps éthérique plus aérien que l’air et plus dense que la matière : la quintessence de l’univers à son apogée. Dieu de la mythologie en Grèce antique et maître des parties astrales et de leur brillance, l’éther – toujours en mouvement – est pur et « tous les êtres qu’il contient sont divins1. »

Si ce tourbillon vibratoire a soulevé nombre d’hypothèses aussi extraordinaires que rationalistes au fil des siècles, l’éther est, somme toute, un phénomène qui nous échappe et qui est dépourvu de la moindre trace de résidu terrestre. Milieu subtil en constante propagation, il est à l’origine de théories phares entre le XVIIIème et le XXème siècle. La théorie gravitationnelle de Newton encourage, d’autres comme celle d’Einstein réfutent, menant à la redéfinition complète de l’éther et de son rôle dans notre univers.

Le 5ème élément est au centre des discours, des découvertes scientifiques, des légendes, mais ses limites dans l’Histoire restent fictives et « font sans cesse face à des impossibilités, des absences et un manque certain lié au langage2. »  

L’exposition Ether explore ses propres mutations et ses récits à travers l’illusion d’un monde à part, d’un espace de cohabitation entre les quatre éléments. Empreinte d’une esthétique de la réalité, Pierre Huyghe, Tarek Atoui, Roberto Cuoghi et Anri Sala nous dévoilent en premier les vies les plus secrètes et minuscules. Puis viennent avec l’enveloppe terrestre, le voyage du sel au nord du Mali et le travail de la matière brute et pure avec Melik Ohanian, Wolfgang Laib, Gabriel Orozco, Marcel Broodthaers, Zheng Guogu et, enfin,  Jean-Luc Moulène.

José María Sicilia, Robert Filiou, David Douard, Moshe Ninio et Danh Võ jouent avec les éléments de la surface, où la nature fragile et intangible de la terre est réduite à néant. Enfin, avec défiance et simplicité, Yves Klein, Wade Guyton et le duo Jennifer Allora & Guillermo Calzadilla franchissent les limites du visible, « la lumière se propage, se reflète, se réfracte, se déforme et réchauffe les corps3. » Hors de notre portée, Wifredo Lam et Wolfgang Tillmans nous éclairent sur l’essentiel, l’intouchable : les astres.


_________
1. Diogène Laërce, VIII, 26, p.3 - traduction de P. Festugière.
2. Joe Milutis, Ether: The Nothing That Connects Everything (Minneapolis: University of Minnesota Press, 2006), p. XII.
3. Isaac Newton, Principia (1687), cité dans The Luminiferous Aether, Volson Wood (New York : D. Van Nostrand, 1886), pp. 74-75.

plus