Décrivant le jeu de Montgomery Clift dans Red River, le critique de cinéma Manny Farber opposait la langueur délicate des « positions et agenouillements de l’acteur et ses coups de feu rapides-comme-l’éclair » à « l’impassibilité minérale » de John Wayne et à son étrange posture immobile à travers le film. Red River est l’histoire d’un gigantesque convoi de bétail conduit à travers les grands espaces, la naissance d'un empire dans le désert, et nous pouvons facilement imaginer l'acteur hypersensible allongé seul dans sa tente à la fin d'une énième journée de tournage, enfouissant sa tête dans un oreiller pour étouffer les vociférations de Wayne et du réalisateur Hawk, en train de picoler et de brailler comme de bons vieux potes. Montgomery Clift dans son premier rôle. Sa première et dernière performance sans mièvreries. Comment s’en sortira-t-il ?

Comme les peintures, le bétail doit être conduit au marché. Traversant un fleuve vers des régions inconnues, ces marchandises animales sont menacées non seulement par les Cherokees et les voleurs, mais également par les tensions œdipiennes des hommes qui les convoient. À un moment, au milieu de la nuit, un jeune cow-boy qui tente de voler du sucre dans la réserve de nourriture renverse quelques casseroles et provoque l’affolement des animaux. Pour une fois, chacun se la ferme pendant la panique. Avant tout ça, nous avons vu les hommes marquer les animaux au fer rouge. Une leçon de production de plus value où le fils adopté, Clift, observe Wayne graver autoritairement sa marque sur un bœuf sans propriétaire. L’intrigue toute entière s'articule sur le transport de cette marchandise vers l'Est, où elle sera finalement monnayée. Afin d'arriver à cette possibilité d'échange, les hommes doivent naturellement sublimer certaines émotions primitives.

Quelle est la différence entre un convoi et une ruée ? En termes purement cinétiques, un convoi qui dépasse une certaine vitesse se dissout dans la panique et la mort. Ou bien, d'un point de vue dramatique, des problèmes entre pères et fils, entre hommes et femmes, peuvent également mettre le convoi en danger. Le travail de Clift ne consiste pas à tuer le « mauvais père » mais à rendre possible son retour en tant que père bon ou neutre. Le père n'abandonnera jamais sa cruauté autocratique sans que le fils ne l’ait d’abord assuré que tout sera traité respectueusement et sans gaspillage aucun. À la toute fin, c'est Tess qui fait feu. Blessant Wayne à la jambe, elle se défait ensuite du fusil d’une manière moqueuse, rendant une nouvelle fois étrange la notion de propriété : « ce n'est pas le mien, c’est le sien », dit-elle désignant Clift. Plus tôt, Wayne lui avait signifié qu’un tel convoi était « trop pour une femme».

Une conférence décousue traitant du problème de se désigner peintre aujourd'hui, donnée à l'origine à Francfort. Un peintre d’enseignes engagé pour l’occasion qui transcrit cet exposé sur 90 toiles préalablement sérigraphiées de vieilles bandes dessinées. Une solution à l'autre problème, tout aussi urgent, nécessitant de produire immédiatement trois expositions en galerie, et de remplir ces espaces de travaux. Cologne, Paris et Londres. Emballé c’est pesé. Pour sa première exposition à la Galerie Chantal Crousel, Michael Krebber propose un convoi ou une ruée de peintures aux multiples sous-textes psychiques résultant d’une performance stricte et implacable.

Matthew Garth (Montgomery Clift)

EXT. NUIT. DESERT
Pendant que John Wayne et Howard Hawks fêtent un autre jour de tournage avec force démonstrations viriles, poker et rasades de whisky, Montgomery Clift est étendu, seul dans sa tente. Connards. C’est son premier film.



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Pour sa première exposition personnelle à la Galerie Chantal Crousel, intitulée “Je suis la chaise”, Michael Krebber présente une nouvelle série de 25 peintures, second épisode d’une trilogie dont la première partie fut montrée à la Galerie Daniel Buchholz, Cologne et la troisième à la Galerie Maureen Paley, Londres.
Michael Krebber est un des artistes majeurs de ces 20 dernières années. Il a couramment exposé en Europe et aux Etats-Unis mais son travail a été rarement vu en France. Figure centrale de la scène de Cologne depuis les années 1980 et proche collaborateur de Martin Kippenberger, Albert Oehlen, Cosima von Bonin ou de Kai Althoff, Krebber a une approche conceptuelle de la peinture en questionnant les racines fondamentales de ce médium. Il travaille avec et contre les conventions picturales. La pratique de Krebber est empreinte d’ambivalence, de provocation, d’intransigeance et d’une gestuelle feinte. Son travail est marqué par un vocabulaire à multiples facettes : le renvoi et la récupération des qualités picturales, l’exploration des frontières de la surface du tableau et la tension entre la représentation et l’abstraction. Cette connaissance entre en résonance avec une réflexion sur l’histoire même du médium. « Comment la figure et le fond, la forme et le format, la surface et l’espace, la couleur et l’objet, le cadre et le mur, l’objet et l’installation, la lumière et le lieu, le matériel et la référence, le titre et le contexte, l’original et l’objet trouvé peut être relié à un autre élément ».
« Je ne crois pas que je puisse inventer quelque chose de nouveau en art ou en peinture car quoique je voudrai inventer existe déjà ». Au lieu d’inventer quelque chose de nouveau, les sobres coups de pinceaux de Krebber laissent la toile ouverte et pleine de possibilités. A l’image d’une phrase inachevée, son travail laisse le spectateur deviner ce qui pourrait se passer ensuite.

Récentes expositions personnelles : Sometimes it snows in april (presentation avec Rachel Harrison), The McAllister Institute, New York, U.S.A (2006) ; Secession, Vienne, Autriche (2005) ; Apothekerman, Städtische Galerie Wolfsburg, Kunstverein Braunschweig, Allemagne (2000).

Son travail a été récemment exposé dans Conditions of Display, The Moore Space, Miami, U.S.A. (2007) ; Grey Flags, Sculpture Center, Long Island City, U.S.A. (2007) ; The Most Contemporary Picture Show, Actually, Kunsthalle Nuernberg, Germany (2006) ; Make Your Own Life: Artists In and Out of Cologne, Institute of Contemporary Art, Philadelphia, U.S.A. (2006) ; Power Plant, Toronto, Canada (2007).

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