La troisième exposition de Clément Rodzielski à la Galerie Chantal Crousel est l’occasion pour l’artiste de poursuivre un ensemble de travaux présenté cette année à la Synagogue de Delme et à Indipendenza à Rome.


Le travail de Clément Rodzielski interroge le statut des images et des objets, leurs fonctions, leurs usages et mésusages, leurs circulations. Il intervient sur différents supports avec une économie de moyens caractéristique. Il s'agit pour lui de révéler une pensée des objets et de leurs conditions, et d'y distinguer un espace singulier. L’artiste applique alors quelques coups de pinceaux parce que s'inventerait précisément ici un processus de vision. Surfaces ajoutées au monde déjà-là, ou à l'inverse, surfaces ajourées, dénudées, elles s'immiscent dans l'usage admis des objets.

Allégorie de l'abondance
De mêmes cartons peints et percés apparaissent deux fois ; là, dans l'espace de la photographie, comme accessoires, costumes, décors... pour la prise de vue ; et ici, piqués au mur, nus, originaux, dans l'espace contigu au regardeur. Les choses se dédoublent, ricochent, s'échangent d'un espace à un autre. Les peintures dans la photographie, s'arrangeant avec autres choses qu'elles-mêmes, sont agencées, mises en scène avec un corps grimé, un corps qui est à la fois le modèle (la fraise, soit le téton de l’artiste peint en noir) et la machine de production (la main de l'artiste): la peinture est ce qui sépare.

Du plafond tombent des sculptures, scanners réduits à peu. Seuls sont conservés les mousses blanches de fond du capot et les fils électriques de l’appareil. L'ordinaire indifférence des fonds des documents numérisés acquiert ici - baignés dans la couleur, dansants - une souveraineté nouvelle.

Dans l'espace attenant, cinq plaques d'aluminium anodisé prolongent une série exposée à la galerie en 2012. Face à soi, des objets laissés en suspens. Hormis quelques bribes, le film protecteur est retiré de moitié ; s'y substitue une maigre peinture, le bas de la plaque conservant sa destination potentielle.

Enfin, des petites peintures sur adhésif transparent sont présentées de l'une à l'autre des salles. Des éléments sont relevés du sol et concèdent à l'artiste une grille incertaine, à partir de laquelle affleure la couleur. L'image est à terre, le sol mis debout, la peinture envisagée comme une réalité augmentée.


 

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