Wolfgang Tillmans né en 1968 en Allemagne et vivant aujourd’hui à Berlin et Londres, est un des plus importants artistes de sa génération. Depuis le début des années 90, il réalise des images qui rappellent parfois les genres historiques que sont les nature mortes, les paysages, les portraits mais aussi l’abstraction. Chaque exposition peut être pensée comme une installation où les images se répondent les unes aux autres selon des correspondances, connections et récurrences s’inscrivant dans des réseaux complexes visibles et invisibles  
Elles peuvent révéler des moments de beauté, de désir mais aussi avoir une dimension sociale et politique. Faire l’expérience d’une de ses expositions c’est faire une expérience du monde dans lequel nous vivons par le regard à la fois critique et sensible de l’artiste. C’est une expérience physique de l’espace où le corps du spectateur est continuellement mis en jeu.
L’exposition Qu’est ce qui est différent ? révèlera ses différentes façons d’instaurer une relation au monde visuel et physique mais aussi à l’autre. Elle est étroitement liée à l’édition d’un livre où il s’interroge sur la  notion du Backfire Effect (retour de flamme) et plus précisément sur sa banalisation actuelle qui n’est pas sans conséquence sur notre rapport à la vérité mais aussi sur la construction de notre identité et nos convictions politiques.
La réalisation de portraits est un geste essentiel où s’établit l’instauration d’un rapport humain très direct. Ils révèlent à la fois la fragilité et la force des individus à travers leurs gestes, leurs styles vestimentaires ou leurs attitudes. Le questionnement de la représentation du corps est aussi central dans sa pratique ou comment les médias et les codes sociaux nous obligent à nous conformer à des images standardisées.  
L’autoportrait y est un genre en soi. Le premier,  Lacanau (self) de 1986 est un portrait pris sur la plage de Lacanau en France où il photographie son corps en surplomb. C’est une de ses premières images abstraites mais aussi l’affirmation de sa présence au monde.
Au sein des images ou dans leur disposition dans l’espace elles révèlent des affinités électives, l’existence de communauté, de relations amoureuses et affectives. Le dispositif quasi cinématographique permet de créer ces relations entre les individus mais aussi leur environnement dans un monde où les certitudes semblent d’une extrême fragilité.  
Il y est aussi question du corps de la photographie, la feuille de papier où vient s’inscrire l’image étant concomitante à son apparition. La série paper drop commencée en 2001 nous révèle que toutes les images apparaissent sur la surface plane du papier mais qu’elles ont aussi des objets. On y devine une grande feuille de papier repliée sur elle-même qui prend la forme d’une goutte.  
Les truth study center qu’il développe depuis 2005 correspondent à son désir de réaffirmer que beaucoup des problèmes actuels viennent de notre volonté d’une vérité absolue. Ce sont de simples tables où sont présentées des photocopies d’information erronées provenant de la presse avec des textes théoriques. Ces collages introduisent le monde politique dans un univers photographique plus personnel tout en soulignant l’importance de l’analyse de ce qui est visible. Ces images peuvent aussi être mises au service d’engagements comme récemment sa participation à la campagne contre le Brexit. Sur les affiches on pouvait lire What is lost is lost forever ou No man is an island – No country by itself.
L’exposition est accompagnée d’une publication dont provient le titre. Invité comme rédacteur par Kulturkreis der Deutschen Wirtschaft (éditeur de Jahresring), Wolfgang Tillmans s’est intéressé à la notion de Backfire effect (retour de flamme) qui est une attitude psychologique selon laquelle l’on reste convaincu de la véracité d’une affirmation malgré le fait qu’elle soit totalement fausse. Rien ne peut persuader les personnes convaincues de changer leur jugement mais bien au contraire les preuves renforcent leur conviction. Pour lui le Backfire effect « joue un rôle particulier en entraînant des questions liées à des états émotionnels qui ont un impact sur notre identité et nos convictions politiques. » Si de tout temps il y a eu des croyances en des théories conspirationnistes il est évident que depuis quelques années il y a un beaucoup plus grand nombre de personnes qui sont résistantes aux arguments factuels et que nous sombrons progressivement dans un état d’endormissement. Wolfgang Tillmans dans cette publication s’interroge sur ce qui a fondamentalement changé en quelques années. Qu’est ce qui est différent ? Un des buts de ce livre de réfléchir à cette multiplication des « fake news » et à qui cela profite.  
Psychologues, journalistes, philosophes, politiciens, neuroscientifiques et astronomes tendent de répondre à ce questionnement. Le livre poursuit le projet entrepris depuis 12 ans avec les Truth Study Center.

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