Le Fossé sera diffusé sur arte le 16 avril à 22h25.
Dans un camp chinois du désert de Gobi, en 1960, des détenus politiques agonisent, décimés par la famine, le froid glacial et la dysenterie. Une bouleversante fiction de Wang Bing (À l'ouest des rails), pour mémoire.
De 1957 à 1961, dans le désert de Gobi, quelque deux mille cinq cents détenus politiques chinois (sur environ trois mille) ont péri dans des conditions atroces aux camps de Jiabiangou et Mingshui, consacrés à la "rééducation des droitiers". Ils expiaient la campagne des Cent-Fleurs, durant laquelle Mao, ayant d'abord encouragé les critiques contre le Parti, fit taire ensuite toute contestation par une vague de purges aveugles. Abrités dans des trous, sans chauffage par des températures pouvant descendre à moins 20°, à peine nourris en raison de la famine causée par le "Grand bond en avant", décimés par la dysenterie, ils furent aussi contraints à des travaux quotidiens de terrassement.
Les oubliés
Inspiré de témoignages qu'il a recueillis auprès de survivants de Jiabiangou, mais aussi d'un recueil de nouvelles de Yang Xianhui, le film de Wang Bing, autant documentaire que fiction, immerge sans intermédiaire le spectateur dans l'horreur et le désespoir du camp. Mais ce tableau de l'inhumanité est d'abord un hommage à l'humanité obstinée de ceux qui y agonisent. Obsédé par la nécessité de ne pas trahir leur histoire, le réalisateur trouve la bonne distance. Chaque image, si insoutenable soit-elle, semble rendre à leurs visages, à leurs paroles, à leurs gestes, la dignité humaine qu'on leur a déniée. En exhumant si implacablement la réalité occultée du goulag chinois, le réalisateur d'À l'ouest des rails ajoute une autre pierre à son oeuvre monumentale : faire résonner la voix des exclus et des oubliés de l'histoire de son pays. Sélectionné à la dernière Mostra de Venise et projeté dans différents festivals en Europe, le film n'a pas été diffusé en Chine et, selon son auteur, ne pourra l'être avant de longues années.