Cette quatrième exposition personnelle de Gabriel Orozco à la Galerie Chantal Crousel réunit trois nouveaux ensembles de travaux.

En premier lieu, il s’agit d’un ensemble de véhicules en terre cuite conçu à la suite de Cazuelas (beginnings)*, présenté à la Documenta 11 cette année. Ce travail de modelage se situe dans la continuité de travaux plus anciens comme Yielding Stone (1992), - une boule de plastiline, du poids de l’artiste, roule dans la rue et grandit des résidus qu’elle absorbe sur son passage - ou encore Pescados (1993) - une pluie de doigts de l’artiste sur des tuiles déchues. Là encore, ces objets en terre sont marqués par l’histoire de leur fabrication : les accidents de leur existence sont inscrits sur leur surface et ils gardent les empreintes de la main de l’artiste en séchant. Les formes quasi organiques de ces récipients évoquent encore Mis Manos son mi Corazon (1991), où une masse d’argile, sous la pression des mains de l’artiste, se métamorphose et devient un "solide à la fois massif et dynamique", selon les mots de Gabriel Orozco. Ces terres cuites sont des "récipients pleins", des impressions "solides" de l’action de la main de l’artiste sur la terre humide. Posées sur une table, ils portent entre autres les traces laissées par le mouvement de la sphère en bois qui a aidé à leur fabrication et par l’érosion dûe à leur fragilité. Leur couleur elle, est l’œuvre du feu de cuisson. Les formes indéterminées de ces objets sont parfois abstraites, parfois concrètes (on pense à des poissons, à des bras, à des bouts de pain…), mais elles véhiculent toujours la lumière et l’action achevée de leur formation.

Si les récipients de terre cuite portent en eux la trace d’un mouvement, les photographies des paysages du Mali témoignent elles, de passages, d’usages et de relations au corps humain. Dans la série Cemetery par exemple, des bols pour transporter et conserver la nourriture et l’eau sont échoués sur le sable de tombes, posés là comme pour accompagner le défunt dans le champ ouvert du désert. Un autre sens de l’infini est présent dans la photographie Total Perception, vision d’une mosquée à Tombouktou, dans laquelle la lumière, la terre battue, les nattes et les tentures construisent ensemble un espace très simple de concentration et de réflexion. Chacune de ces seize photographies semble dire : « on est passé par là … ». L’érosion et la géométrie des activités humaines sont inscrites sur la terre de ces paysages maliens. A  la croisée de la nature et de la culture, ces chemins dessinent entre eux une image de la réalité et de l’unité.

La figure humaine, absente de l’ensemble du travail de Gabriel Orozco, a laissé ici une trace ténue de son passage dans la terre des récipients, dans des photographies des paysages et sur le papier des dessins.  



* Gabriel Orozco tient à remercier tout particulièrement Jean-Marie Foubert, céramiste, pour son assistance et sa générosité dans la réalisation de Cazuelas (beginnings) et des récipients présentés dans cette exposition.

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