Un an plus tard, GEOGRAPHIES # 3 s'enchaîne naturellement après GEOGRAPHIES #2. Cinq artistes se réunissent autour de cette notion et en donnent chacun leur version : Fikret Atay, Jean-Luc Moulène, Melik Ohanian, De Rijke / De Rooij, Susanne Bürner. Leur rapport à la géographie est celui d'une attitude existentielle : celle des frontières mouvantes, retracées, adoptées le temps d'une nécessité. Une psycho-géographie. C'est l'idée de l'abandon d'une certitude, de la mise en abîme - c'est l'art du passage.


Fikret ATAY
Fast and Best, 2002
Vidéo.  
7 min 29

Filmée dans la région de Batman, ville d’origine du jeune artiste kurde, cette œuvre vidéo examine de la façon la plus directe et subtile la notion de la discipline et de l’expression collective qui peut unir et diriger des groupes à partir d’un idéal recherché.
Nous assistons à l'entraînement préparatoire pour une compétition de danse traditionnelle kurde. Fikret Atay nous piège dans la fascination de la culture du jeans, de la danse folklorique, de la parade militaire.  Avec une grande simplicité de moyens et un œil clinique, l'artiste, dont la caméra ne filme que les jambes des participants, fait d'un évènement de la rue une scène où toute une idéologie locale et globale s'affronte et s'épanche.
Le point de mire de l'artiste est le langage envahissant et incontournable des pouvoirs qui s'affrontent ici sans vraiment se toucher, ni communiquer. La schizophrénie de la mondialisation nous vient de Batman, une petite ville en Turquie où les habitants ne profitent en rien de l'exploitation américaine du pétrole dont cette région est riche. Le son fort et prenant de cette vidéo transmet l'efficacité de l'imposition par la force, par la masse, par la répétition de valeurs facilement reconnaissables et donc transmissibles. Face à cette danse aux contours militaires, nous comprennons que le langage du pouvoir est très profondément ancré dans l'homme, autant dans sa politique que dans sa sensualité. Déroutant et efficace.  
Cette œuvre fait désormais partie de la collection de la Tate Collection, ainsi que "Dance of the Rebels".


Susanne BÜRNER
Sans Titre, 2003
Video
5 min 43  

L'artiste berlinoise Susanne Bürner s'intéresse au vocabulaire du suspense et, surtout, à la réponse émotionelle suscitée chez le spectateur, dans son travail photographique et vidéo.
"Sans Titre" travaille la ligne ténue entre la banalité et l'horreur en faisant monter une tension irrationnelle à travers des scènes d'intérieurs floues, imprécises et hallucinatoires au cours de trois courtes séquences. Dans chaque scène, tandis que la vie du quotidien semble suivre son cours naturel, une lumière, un personnage ou la bande son, reprise de thrillers / films d'horreur, perturbe la banalité de ces décors intimes. Tout comme dans Le Tour d'Écrou de Henry James, c'est au spectateur (ou observateur) de traverser la courte distance entre l'innocence et le mal. Nos peurs primitives, constitutives, en quelque sorte, et nos hésitations, font partie de l'œuvre, qu'elles complètent.
L'artiste expose son travail actuellement dans une exposition collective à la Kunsthalle de Düsseldorf.


DE RIJKE / DE ROOIJ
The Point of Departure, 2002
Film 35 mm, couleur, avec son optique
26 min  

Les deux artistes hollandais Jeroen de Rijke et Willem de Rooij, qui travaillent ensemble depuis plus de dix ans, présentent The Point of Departure lors de cette première collaboration avec la galerie. Dans la tradition minimale de leur travail, ce film, dont l'objet est l'observation des motifs d'un tapis du Caucase appartenant au Reijksmuseum, joue avec les lois de la narration cinématographique.
Le point de départ de ce travail fut une recherche approfondie sur les tapis, leur motifs et les régions de leur fabrication. The Point of Departure acquiert ainsi des connotations politiques évidentes (...). La focalisation, le zoom, des changements brusques de tempo et des changements de plans font de ses mouvements une exploration risquée à travers une matière originelle, sans offrir de repères pour établir une échelle."
Du catalogue de l'exposition Spaces and Films / Espaces et Films 1998 - 2002 au Van Abbemuseum Eindhoven et Villa Arson Nice


Jean-Luc MOULENE

Jardin, Herculanum, mars 1999
2003
Cibachrome sur aluminium
119x151cm

Cathédrale, Cologne, 16 03 2002
2003  
Cibachrome sur aluminium  
52x40 cm

Petits os, Yokohama, 24 11 2000.
2003  
Cibachrome sur aluminium
40 x 52 cm

Ticket noir, Paris, 11 02 2003.
2003  
Cibachrome sur aluminium

Passport, Saïda, Liban, 01 06 2002.
2003  
Cibachrome sur aluminium
40 x 52 cm

Jean-Luc Moulène présente, pour la toute première fois, son travail à la galerie. Une sélection de cinq photographies prises dans différents endroits et contextes, montrent des objets ou lieux transitoires que l'artiste a captés ou visités. Un passeport, un ticket de métro brûlé, une cathédrale, sont autant ce qu'ils montrent que ce qu'ils représentent, que ce soit du point de vue spirituel ou identitaire - ou tout autre chose, en réalité. Cette substance icônique des images se reflète dans l'œuvre de Moulène, qui convie dans et par l'image le destin de la représentation.
Ces cinq images et les objets et situations qu'ils présentent portent autant sur ce qu'ils montrent que ce qu'ils cachent ou ne dévoilent qu'à peine. Les petits os gisant dans un lit ironique de feuilles mortes ("Petits Os") montrent un moment de la circularité de la vie - de la conscience à la simple matérialité. Le ticket brûlé est un vestige de la vie de quelqu'un, inutile à présent, mais faisant toujours partie du cycle perpétuel de la transmutation, entre image et poussière.
Moulène a présentement deux grandes expositions de son travail au Musée des Beaux-Arts de Nantes et au Centre d'art Contemporain de Genève.

Melik OHANIAN
You are mY destinY-comment, 2003
Installation

Melik Ohanian nous propose une pièce issue de son exposition à l'Atlanta College of Art (mars 2003) "You Are My Destiny", (...) encadrée par deux évènements funestes - le génocide arménien d'une part, point de départ de l'exode des survivants et de la deuxième guerre d'Irak décidée par les faucons de l'administration Bush d'autre part -, sa matière première pricipale, imprimée sous forme de onze posters encadrés dans de larges caissons lumineux, se structure autour de ce que je nommerai ici le "Journal d'Atlanta", véritable journal de bord de l'artiste et de l'exposition. Celui-ci raconte par le menu un parcours d'obstacles, une série d'accidents où se conjoint toujours et à nouveau, histoire individuelle et histoire collective."
Du texte de Jean-Christophe Royoux sur l'œuvre présentée " You are mY destinY-comment ".

plus